Ain El Kébira et les événements du 8 mai 1945

par Mahieddine Djoudi

En 1945, la région de Ain El Kébira (Périgotville) n'était pas isolée de l'activité politique. En effet, il existait un bureau des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), (mouvement de masse fondé par Ferhat Abbas le 14 mars 1944) supervisé par El Houes Belmihoub en tant que coordinateur, Boudjemaa Oulmane dit Mouloud en tant que secrétaire général et Khlifa Siyarri et Bouzid Smara comme membres actifs.

Par ailleurs, un groupe de militants agissait au nom du Parti du Peuple Algérien (PPA), (fondé le 11 mars 1937 par Messali Hadj et officiellement interdit en 1939), dont Rachid Boudjlida, Kaddour Boulhaya, Belaid Abdelesselam, Ibrahim Boukari, Mohamed Maiza, Said Benzayed et Lemnouar Lekdim.

Durant la même période l’un des membres de l’Association des Oulémas Musulmans Algériens (association créée en 1931, par Abdelhamid Ben Badis), appelé Mouloud Smara, avait créé deux écoles, dont l'une à Beni Aziz (Ex Chevreuil), où enseignait Cheikh Ahmed Hakimi et la seconde à Kherrata où enseignait Rabie Bouchama.

L'administration française est représentée à l’époque par le gouverneur René  Rousseau et son adjoint Yves Bancel aidés par quatorze membres. Elle a usé de diverses méthodes d'oppression et de tyrannie où personne n’était autorisé à entrer et à sortir de la zone sans laisser-passer de sa part.

La situation politique entraîna des conditions économiques très dégradées, les colons contrôlant les activités économiques et les terres agricoles. Les colons ont pu s'emparer des terres grâce à une législation édictée à cet effet, dont la décision du 21 septembre 1830, qui permet la confiscation des propriétés waqf et baylik afin de les distribuer aux occupants européens.

Parmi les bénéficiaires de cette décision figurent le colon Henri Fabrer, qui possédait à lui seul 1200 hectares, le comte Edmond Perret, le militaire Eymenier Gilbert, le marchand Charlo et le docteur Mazzuca, tandis que les habitants de la région souffraient d'une exploitation scandaleuse (en obtenant que le un cinquième de la récolte), ce qui se répercutait négativement sur la situation où la famine s'étendait et la population devenait nourris de l'herbe des champs et des feuilles des arbres.  

Cette situation a entraîné la propagation de maladies telles que le typhus et le nombre élevé de décès. La situation économique et sociale désastreuse a généré des relations de haine entre les citoyens et les colons.
Nous sommes le 8 Mai 1945. Le monde libre fête la capitulation de l’Allemagne nazie. Ce jour-là, la démocratie prend le dessus sur la barbarie.

En Algérie, on célèbre dans la liesse la défaite de l’Allemagne d’Hitler et de la France de Vichy. Les Algériens sont sortis pour exprimer leur joie de la victoire des alliés, qui est la victoire de la démocratie sur la dictature, et ils ont exprimé leur sentiment de joie et ont exigé l'indépendance de leur pays et l'application de les principes de liberté dont les alliés ont brandi le slogan tout au long de la seconde guerre, et des manifestations ont eu lieu à travers tout le pays et se sont intensifiées dans la ville de Sétif, qui est le principal quartier général des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), et dans ces manifestations, on a appelé pour la liberté et l'indépendance de l'Algérie.

À Sétif, dès le petit matin de ce marid 8 mai 1945, la foule envahit les rues. Une fois les événements sont éclatés, Ammar Diafat, dit "Mabrouk Al-Adouani", transféra les événements Ain El Kébira. Il cria d'une voix forte, Allahu Akbar, et raconta tous les événements. Il a dit aux gens que l'administrateur de la commune et son adjoint avaient été tués au rond-point Diafat situé sur la route menant à Ain El Kébira, et c'était à deux heures de l'après-midi.

Les habitants sous la coordination d'El Houes Belmihoub (le tailleur du village) ont pris l'initiative d'attaquer le Centre de la Poste, tuant son responsable, Pierre Sambin, et son fils, Pierre, et coupant toute communication extérieure, puis se sont dirigés vers le magasin d'armes et de munitions, ouvert par le gardien Ammar Bougandoura, et 75 fusils Lebel modèle 1886  et mousquetons Berhier et 5 caisses de munitions (environ 10000 pièces) ont été saisis.

De violentes altercations ont commencé entre résidents et colons, au cours desquelles ils ont échangé des coups de feu, entraînant la mort de 15 colons, parmi eux le gouverneur Rousseau et son adjoint Bancel ainsi que le grand colon Henri Fabrer, qui a été tué avec deux gardes militaires Alexis Morel et Charles Carrier, et les autres se sont cachés dans une tranchée dans la maison de l'un d'eux. En conséquence, l'un d'eux a été blessé.

Dans le même temps, les autorités militaires envoient en urgence une voiture blindée équipée d'une mitrailleuse, conduite par le capitaine Mazuka, le frère du médecin de la ville. Dès son arrivée, les rebelles se replient aux abords de la ville et commencent à lancer des armes à feu sur les soldats, afin que ceux qui se trouvaient à l'intérieur de la ville puissent s'échapper avant que les chars ne commencent à pilonner.

Le capitaine Mazzuca réunit les Européens à la résidence du Gouverneur, pour leur distribuer des armes, et confier la responsabilité de la défense au docteur Mazzuca et au sergent Geronimi qui était en permission. Une heure plus tard, une section des soldats sénégalais est arrivée avec un deuxième véhicule blindé, et les poursuites infernales et la répression sévère ont commencé, et les forces militaires continuent d'affluer sur la ville jusqu'à atteindre 5 compagnies  : les tirailleurs sénégalais , une légion étrangère, un tabbors marocain. la 3e division d'infanterie algérienne (3° DIA) et 7e régiment de tirailleurs algériens (7° RTA).

Après cela, les forces militaires, accompagnées de la femme de l'administrateur se sont déplacées vers le douar Ouled Adouane (Al-cherchour) et le douar des Diafat pour venger son mari, de sorte que les deux douars ont été entièrement brûlés et 17 des résidents ont été tués.

Dès le lendemain, la France a poursuivi une politique de séduction et d'intimidation contre la population en hissant des drapeaux blancs, exigeant de la population qu'elle se rende et remette ses armes, comme cela s'est produit à Ain Akhrib.

Ensuite, Les autorité française se sont appuyés sur les traîtres qui les ont guidés vers ceux qui ont participé aux événements, de sorte que les arrestations se sont poursuivies par la suite, et la situation a duré plus de deux semaines. Parmi les familles touchées figurent Belmihoub,, Oulmane,, Baza, Smara, Bouteba, Chakroun et d'autres..

Les résultats de ces événements ont entraîné la mort de plus de 15 colons et envions 200 martyrs parmi les habitants d’Ain El Kébira et de ses villages et des douars qui ont été complètement détruits,

A partir de là, l'écart s'est creusé, la haine a augmenté et l'impossibilité de coexistence entre les colons et la population locale.

Références :

  • Mardi 9 mai 1945 à Périgotville, http://algeroisementvotre.free.fr/site0301/mai1945/mai45012.html, Visité le 05 mai 2017.
  • Kamel Beniaiche, Massacres du 8 mai 1945 : Quand les archives se «délient», El Watan, https://histoirecoloniale.net/Nouvelles-rencontres-et-publications-sur-les-massacres-de-mai-juin-1945-dans-le.html,  8 mai 2018,
  • 77e anniversaire des massacres du 8 Mai 1945 : Le conflit mémoriel et la tragédie algérienne, https://elwatan-dz.com/77e-anniversaire-des-massacres-du-8-mai-1945-le-conflit-memoriel-et-la-tragedie-algerienne, 09/05/2022
  • Eugène VALLEE, PÉRIGOTVILLE, Un drame Algérien - 1948 - Les grandes éditions françaises - Paris, https://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/setif/perigotville.html Visité le 05 mai 2017

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